L’autisme est-il réellement biologique ?

Cet article a initialement été publié sur le site A Contrario (www.acontrario.net) en avril 2012.

Des associations de parents d’enfants autistes, des personnes autistes elles-mêmes, ainsi que des scientifiques, affirment que l’autisme est biologique. Cette affirmation s’inscrit dans le cadre d’une joute contre la psychanalyse, accusée de rendre responsables et coupables les parents, et plus spécialement les mères, de l’autisme de leurs enfants.

Cette polémique rend difficilement audibles des discours argumentés, notamment sur la question de la dimension biologique de l’autisme, considérée comme acquise. Or, rien n’est si avéré en la matière.

La génétique, « cause » de l’autisme ?

La question de savoir si l’autisme est biologique requiert de s’interroger sur ce qui est entendu par « est ». S’agit-il de dire que la cause unique de l’autisme, ce que l’on appelle l’étiologie, est biologique, et plus spécialement génétique ? Ou bien que dans les cas d’autistes étudiés avec l’œil du généticien, on a trouvé des marqueurs biologiques ? La nuance peut sembler subtile, voire inexistante, elle est pourtant de taille.

En effet, identifier des marqueurs génétiques chez des personnes diagnostiquées comme autistes ne suffit pas à établir que ces gènes sont la cause de l’autisme de ces personnes, et encore moins la cause unique. Cela peut indiquer par exemple une prédisposition supérieure par rapport à des personnes pour lesquelles on ne trouve pas ces marqueurs génétiques, mais dont le déclenchement dépendra d’éléments extérieurs à ces gènes, qui peuvent être des éléments biologiques autres que génétiques, des éléments de mode de vie, des éléments d’environnement familial.

Une synthèse sur l’état de la recherche

La question est donc celle-ci : est-il scientifiquement établi que l’autisme a pour cause unique des gènes ? Pour tenter de répondre à cette question, la lecture du livre Autisme, le gène introuvable. De la science au business (Seuil, 2012), du biologiste moléculaire et directeur de recherches émérite au CNRS Bertrand Jordan, est instructive. Il présente en effet plusieurs avantages. Tout d’abord, eu égard à la polémique contre la psychanalyse, il n’est pas négligeable de pouvoir se référer à un biologiste, tel Bertrand Jordan, qui rejette le recours à la psychanalyse dans la prise en charge des personnes autistes. Cela permet d’éviter de le soupçonner de construire un discours sur le plan de la génétique qui ait pour fin de soutenir les approches psychanalytiques.

Ensuite, Bertrand Jordan est au fait des recherches génétiques concernant l’autisme, à la fois sur le plan scientifique mais également sur le plan de l’économie des biotechnologies, et plus particulièrement de la médecine génomique, en tant que consultant dans le domaine. De plus, il exerce un œil critique sur les recherches en cours, et sur les effets d’annonce de start-up biotechnologiques à des fins de levées de fonds pour financer leurs travaux, avec l’objectif de mettre sur le marché des tests génétiques pour l’autisme. Enfin, tout en s’adressant à un public non averti, son livre permet d’analyser comment se construit un discours scientifique sur la question de l’autisme.

La vérité scientifique : des faits indiscutables ou une construction par le discours ?

Ce dernier point est fondamental, car il s’agit de rappeler que la vérité scientifique est une construction discursive, qui peut être analysée en tant que telle dans ses procédés rhétoriques et argumentatifs. Ainsi, l’affirmation selon laquelle il est scientifiquement prouvé que l’autisme, c’est génétique, procède d’une construction de vérité par le discours, et non, comme cela pourrait le sembler vu l’usage qu’en font certains, d’une vérité indiscutable établie par des faits bruts. Une vérité qui se prétend indiscutable n’est pas une vérité scientifique, mais religieuse, dans la mesure où l’une des caractéristiques de la vérité scientifique est précisément de pouvoir être discutée, et discutée sur son mode de production à partir de critères de rationalité, tandis qu’une vérité religieuse se prétend indiscutable parce qu’elle est supposée ne pas procéder d’une production discursive comme construction de l’esprit humain, mais de la parole divine dans un acte de révélation.

Dans son livre, Bertrand Jordan commence par dire que le syndrome autistique a été et est encore la cible de dérives psychanalytiques, qui imputent l’autisme à l’environnement familial, dans l’ignorance de la composante génétique de celui-ci. Dans son argumentation, l’ignorance de cette composante est la raison qui permet de voir dans les approches d’inspiration psychanalytique une dérive. Ce qui justifie d’invalider ces approches est donc l’établissement de la dimension génétique de l’autisme. Or, le biologiste dit immédiatement que la recherche en la matière est jusqu’alors « plus que décevante ».

Cela ne l’empêche pourtant pas d’affirmer la « forte influence génétique » dans l’autisme. Comment peut-il tenir ce propos apparemment contradictoire ? A plusieurs reprises il affirme la présence de cette composante génétique. L’argument sur lequel repose cette affirmation est chaque fois le même : la concordance très élevée entre vrais jumeaux, comprise entre 60 et 90% selon les études. Qu’est-ce à dire ?

Dans le glossaire de l’ouvrage, le biologiste précise que la concordance est la fréquence avec laquelle une affection présente chez un enfant est retrouvée chez un apparenté. On comprend alors que ce qui permet selon lui d’affirmer que l’autisme est génétique est le fait que l’on retrouve chez les vrais jumeaux, qui, à quelques nuances près, on un patrimoine génétique identique, cette même affection dans des proportions très élevées.

Ce n’est pas le cas pour les faux jumeaux, issus de deux œufs différents et non d’un seul et même œuf qui s’est divisé. Chez eux, la concordance serait de 10 à 20%. C’est cet écart de concordance entre vrais et faux jumeaux qui, pour Bertrand Jordan, permettrait d’accréditer la thèse d’une composante génétique de l’autisme.

L’autisme génétique : une simple déduction ?

Il faut noter ici que l’affirmation de cette composante génétique de l’autisme ne repose pas sur la mise à jour de variantes génétiques observées chez les jumeaux étudiés, mais qu’elle résulte d’une déduction que l’on peut formaliser de la manière suivante : les vrais jumeaux ont un patrimoine génétique quasi-identique, à quelques variantes près ; or, lorsque l’un des vrais jumeaux est autiste, l’autre l’est aussi dans 6 à 9 cas sur 10 selon les études ; dans le cas de faux jumeaux, qui n’ont pas de patrimoine génétique quasi-identique, si l’un des deux est autiste, l’autre l’est dans 1 à deux cas sur 10 ; donc il y a une composante génétique de l’autisme.

A y regarder de près, on remarquera que pour passer des prémisses du raisonnement à sa conclusion, il faut supposer une autre prémisse, qui est implicite : une concordance élevée entre deux vrais jumeaux est nécessairement due aux gènes, parce que plus le patrimoine génétique est identique, plus la concordance est élevée.

Or, c’est précisément dans cette prémisse sous-entendue, sans laquelle on ne peut aboutir à la conclusion, que réside la fragilité du raisonnement. Non pas que celui-ci soit nécessairement faux. Mais il s’agit d’une hypothèse, pas d’un constat prouvé. On peut en effet renvoyer à Bertrand Jordan l’argument qu’il oppose lui-même au fait que, si un enfant est affecté, la probabilité pour que l’un de ses frères ou sœurs le soit est 10 fois plus élevée que dans l’ensemble de la population (10% au lieu de 1%).

Il dit en effet que cela ne prouve pas que l’affection est génétiquement héréditaire, mais que cette plus forte probabilité pourrait être le fruit d’un environnement familial délétère commun. Le fait que la concordance entre vrais jumeaux serait très élevée en regard de ce qu’elle serait entre faux jumeaux pourrait également être une conséquence de l’environnement familial, dans la mesure où les parents peuvent être enclins à construire une relation spécifique avec de vrais jumeaux du fait qu’il s’agit de vrais jumeaux, par exemple dans une forme d’indifférenciation, qu’ils ne construiront pas avec de faux jumeaux – ces derniers pouvant de plus être de sexe différent.

Des affirmations fragiles

L’affirmation de la composante génétique de l’autisme, qui en serait la cause, repose donc sur des bases fragiles. L’argument de la concordance chez les vrais jumeaux est en effet le seul qui est avancé, à plusieurs reprises dans l’ouvrage, en faveur de cette composante. Mais il y a plus : l’auteur cite dans la bibliographie de son livre des études publiées en 2010 et 2011 qui remettent en cause l’écart de concordance entre vrais et faux jumeaux, et qui développent l’hypothèse d’un rôle de l’environnement fœtal ou d’autres facteurs environnementaux, partagés ou non par les jumeaux.

Plus, ces études affirment que l’influence des facteurs génétiques dans l’autisme a été jusqu’ici surévaluée dans les études précédentes. Plus précisément, l’étude publiée en 2011 dans Archives of General Psychiatry explique cette surestimation ainsi : « Du fait que soit rapportée une héritabilité [génétique] élevée dans l’autisme, un axe majeur de la recherche concernant l’autisme a été d’en trouver les causes génétiques sous-jacentes, avec moins d’importance accordée aux potentiels facteurs déclenchant ou causes environnementaux ». Parmi ces éléments environnementaux, les auteurs citent, en renvoyant à d’autres études, l’Âge des parents, un poids de naissance bas, les naissances multiples, et les infections maternelles durant la grossesse.

L’étude n’évoque pas des facteurs de risque psychologiques, qui n’ont pas été recherchés. Mais rien ne permet de les exclure, dans la mesure où les facteurs environnementaux peuvent eux-mêmes résulter ou être en interaction avec des états de stress, d’angoisse, de conflits psychiques, etc., qui ont des traductions physiologiques.

Le sens des mots

Un autre point intéressant dans la construction du discours de vérité scientifique opérée par Bertrand Jordan, concerne le vocabulaire utilisé pour qualifier le type de rapport entre l’autisme et les composantes génétiques (associées à des troubles neurologiques). L’idée générale est que ce rapport est de causalité, l’auteur affirmant une étiologie. Pourtant, les mots auxquels il a recours réfèrent à d’autres types de rapport, qui n’impliquent pas d’eux-mêmes des liens de cause à effet.

Ainsi parle-t-il d’ « influence génétique », de « corrélation » à des anomalies organiques au niveau cérébral, d’ « association » entre certains allèles (versions d’un gène) et des troubles autistiques. Autant de termes qui ne signifient pas « cause ». Il évoque une fois un « fondement neurologique », qui pourrait être pris au sens de « cause », mais pour parler plus loin, à ce sujet, de « corrélation », ce qui vient atténuer le propos.

Autrement dit, ce que l’on peut vraiment affirmer est qu’il y a sans doute une composante génétique et neurologique dans l’autisme, mais sans pouvoir établir à ce jour que cette composante est la cause de l’autisme. Le biologiste évoque même l’hypothèse que les anomalies cérébrales pourraient être des conséquences et non des causes. Autrement dit, sur ce dernier point, ce que l’on observe en imagerie cérébrale pourrait très bien ne pas être la cause des troubles autistiques, mais leur traduction ou manifestation cérébrale.

Bertrand Jordan peut d’ailleurs d’autant moins affirmer de façon certaine que l’autisme est causé par des facteurs génétiques qu’il passe une bonne partie de son livre à montrer que : nombre d’études génétiques réalisées n’étaient pas rigoureuses, certaines étant même frauduleuses ; les versions de gènes identifiées dans les études varient d’une étude à l’autre, et les associations (qui ne sont pas des rapports de causalité) avec l’autisme sont « statistiquement peu solides » ; la recherche des bases génétiques de l’autisme connaît « un certain piétinement », et la seule chose que l’on sait est qu’il n’existe pas un gène de l’autisme, ce qui complique les recherches.

La piste la moins décourageante en faveur d’une étiologie génétique de l’autisme se situe finalement du côté de la variabilité du nombre de copies d’un gène (CNV pour copy number variation) d’un individu à un autre, dont l’on retrouve des formes avec une certaine fréquence chez les personnes autistes. Mais là encore Bertrand Jordan tempère considérablement les choses, en rappelant qu’aucune de ces variations ne peut aujourd’hui être considérée comme caractéristique de l’autisme.

Les gènes, cause unique de l’autisme ? Pas sûr

Au cours de la lecture de ce livre synthétique sur les recherches portant sur ce que le biologiste appelle la « composante génétique » de l’autisme, naît une question qui persiste une fois que l’on a atteint la dernière page : comment peut-on affirmer comme une vérité scientifique prouvée que les gènes sont la cause, et la cause unique, de l’autisme ? Que des parents d’enfants autistes qui voient là un moyen de se dédouaner d’une possible responsabilité, après certains discours psychanalytiques culpabilisants ou considérés comme tels, prétendent que l’étiologie génétique est indiscutable peut se comprendre.

De même lorsqu’il s’agit de laboratoires privés dont les fins sont commerciales, et qui ont pour objectif de vendre un test génétique de dépistage de l’autisme. Mais un biologiste qui fournit tous les arguments scientifiques nécessaires pour montrer non seulement que rien n’est établi, mais qu’il est même très délicat de pouvoir établir quelque chose en la matière ? C’est là une énigme.

Précisons d’ailleurs que Bertrand Jordan n’exclut pas que d’autres facteurs, non génétiques, puissent être impliqués additionnellement à la composante génétique. Ainsi évoque-t-il à plusieurs reprises l’environnement et l’histoire personnelle, du fait notamment que dans les cas de vrais jumeaux, si l’un est autiste, l’autre ne l’est pas à tous les coups. Mais dès lors, sa persistance à affirmer une étiologie génétique de l’autisme et son rejet (jamais argumenté) des approches psychanalytiques sont d’autant moins compréhensibles.

L’autisme : une définition floue

Pour finir, il convient de souligner un point crucial dans les recherches concernant l’autisme : il faut préalablement avoir identifié clairement les cas d’autisme. En effet, mener des recherches génétiques en rapport avec l’autisme nécessite d’étudier le patrimoine génétique de personnes autistes. Or, Bertrand Jordan insiste sur ce point : la définition de l’autisme n’est pas claire, et moins elle est claire, plus elle s’étend à de multiples cas, très différents les uns des autres.

Ainsi a-t-on pu noter une forte augmentation du nombre d’enfants autistes depuis les années 1990 parce qu’on en a une définition plus large ! Du concept d’autisme infantile proposé dans les années 1940 par le pédopsychiatre Leo Kanner, on est passé à celui de troubles du spectre autistique, sous lesquels on regroupe notamment des enfants parfaitement incapables de parler et des personnes ne présentant pas de troubles du langage (syndrome d’Asperger).

De plus, la notion d’autisme atypique, incluse dans le spectre, ouvre la voie à des diagnostics peu rigoureux, pour lesquels peuvent manquer plusieurs des symptômes habituellement désignés comme caractéristiques de l’autisme (notamment la précocité des troubles). Bertrand Jordan parle lui-même de « fourre-tout clinique ». Est parfois également inclus le syndrome de Rett qui, pour le coup, est d’origine génétique, mais cette inclusion fait polémique.

Le biologiste dit lui-même que ce flou constitue une difficulté de taille pour la recherche génétique sur l’autisme, dans la mesure où les biologistes s’appuient sur les cas diagnostiqués pour commencer leurs travaux. Le problème de la définition de l’autisme réside dans le fait que celle-ci se veut descriptive, à partir de l’observation de symptômes.

Cette approche est conforme à celle des classifications internationales des maladies mentales, l’une produite par l’Organisation mondiale de la santé au sein de la CIM (Classification internationale des maladies), l’autre produite par l’Association américaine de psychiatrie et connue sous l’acronyme DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Or, ces classifications font débat, et leurs révisions successives (dixième version pour la CIM, cinquième en cours de rédaction pour le DSM, dont la parution est prévue en 2013) tendent à multiplier les troubles répertoriés.

A ce rythme là, tout le monde va se reconnaître dans l’un ou l’autre désordre mental listé. La vente de psychotropes a un bel avenir devant elle. Il est, à ce propos, de notoriété publique que nombre de psychiatres mobilisés pour la rédaction du DSM ont des liens financiers avec des laboratoires pharmaceutiques (57% des rédacteurs de la version actuelle).

La génétique et l’autisme : ne pas confondre cause et composante

Que conclure de tout cela ? En premier lieu, qu’il n’est pas scientifiquement établi à ce jour que les causes de l’autisme, ou des autismes, ou de tout ce que l’on regroupe dans le spectre dit autistique, sont génétiques, et seulement génétiques.

La vérité scientifique est, comme toute vérité, un discours, et l’analyse de la construction du discours sur la causalité génétique de l’autisme permet de mettre en évidence que rien n’est prouvé en la matière. On peut supposer qu’il existe une composante génétique dans certains cas répertoriés comme autistiques, sans pouvoir affirmer que cela serait vrai pour tous les cas classés comme autistiques, et sans pouvoir être sûr que l’on fait bien de regrouper sous l’appellation « autisme » tous les cas que l’on y subsume.

De plus, qu’il puisse exister une composante génétique ne signifie pas de soi-même que cette composante en serait la cause. Elle peut être un facteur parmi d’autres, d’un autre niveau biologique, mais aussi psychologique. En conséquence de quoi, et l’argument de l’étiologie génétique de l’autisme étant l’argument fondamental pour justifier le rejet des approches psychanalytiques, l’état actuel des recherches dans le domaine de la génétique de l’autisme ne permet pas d’affirmer que ces approches ne sont pas pertinentes.

Certes, il existe des détracteurs non pas seulement des approches psychanalytiques dans le cadre de l’autisme, mais de la psychanalyse en général. C’est qu’il existe des personnes pour vouloir croire qu’elles n’ont pas d’inconscient.

Compléments post DSM-5

En 2013 a été publiée la dernière version du DSM, le DSM-5. Elle a entériné l’évolution définitionnelle de l’autisme des troubles envahissants du développement vers les troubles du spectre autistique (TSA), eux-mêmes inclus dans la catégorie plus vaste des troubles neurodéveloppementaux. Comme à chaque fois, les modifications de la définition de l’autisme ont donné lieu à controverses.

Dans le détail, des cinq sous-types d’autisme décrits dans le DSM-IV, quatre ont été fondus sous l’appellation TSA et ont donc disparu en tant que tels du DSM-5 : les troubles autistiques, le syndrome d’Asperger, le trouble désintégratif de l’enfance, et les troubles envahissants du développement non spécifiés. Le cinquième, le syndrome de Rett, a été retiré de la classification autistique. Les troubles du langage sont désormais mis en retrait, au profit d’un nouveau symptôme, le trouble de la communication sociale, qui constitue par ailleurs une nouvelle catégorie diagnostique en tant que telle.

Ces évolutions définitionnelles peuvent avoir un impact non négligeable sur la prévalence de l’autisme dans la population, de même que des conséquences pratiques sur la prise en charge. En effet, des personnes diagnostiquées autistes selon la définition du DSM-IV peuvent ne plus l’être selon celle du DSM-5, et plus globalement, les évolutions de définition des troubles mentaux peuvent augmenter ou diminuer la prévalence de ces troubles, ce qui montre assez que la définition des troubles mentaux n’est pas donnée par la nature, mais produite par la société, et donc soumise aux rapports de forces sociaux. Les évolutions diagnostiques au gré des évolutions définitionnelles conduisent en outre, en pratique, à ouvrir ou non l’accès aux services et prises en charge prévus, ce qui fait notamment monter au créneau les familles concernées. On voit ainsi que les questions épistémologiques sont loin de constituer les seuls enjeux de la définition de l’autisme en particulier, et des troubles mentaux en général.